DIRCOMM(RE)CONFINES 
Interview 16


Directrice de la communication et membre du Comex d’ELSAN, 2ème groupe d’hospitalisation privée français, Pénélope de Fouquières, 44 ans, commence sa carrière en tant que journaliste : Public Sénat tout d’abord pendant 2 ans, puis M6 pour les magazines d’information Capital et Enquête exclusive les 5 années suivantes. En 2009, cette titulaire d’un DEA d’histoire contemporaine à la Sorbonne, diplômée de l’Institut français de presse et de la London school of economics and political science rejoint la Banque africaine de développement en Tunisie. Elle y exerce plusieurs missions de communication dans les secteurs du développement, de la microfinance et de la promotion des femmes avant d’intégrer, en 2013, son département énergie, environnement et changement climatique. Elle mène alors des campagnes de communication sur des événements internationaux comme les COP (conférence sur le climat) et promeut le Pavillon Afrique à la COP21. Et c’est en 2016 qu’elle prête main forte au secteur de la santé auprès d’ELSAN à la croissance fulgurante. En sa qualité de Dir comm, elle supervise aujourd’hui une taskforce de 6 experts en digital, comm interne, production vidéo, réseaux sociaux et PR mais globalement pluridisciplinaires pour gérer un sujet de A à Z et accompagner le réseau des 90 référents communication au sein des 120 établissements du groupe. 
 
2020 c’est une année très particulière pour vous. Les 20 ans du groupe, le Covid, un changement d’actionnaire, vous respirez encore ?
 
Personne ne pouvait s’attendre à une année pareille ! 2020 a été une longue course de fond, très enrichissante voire même excitante au regard des enjeux pour le groupe, de la gravité de la situation, de la diversité des sujets et des nouvelles méthodes de travail à trouver pour prendre des décisions plus rapides. En un an, nous avons vécu l’équivalent d’une carrière professionnelle toute entière ! Et puis il y a eu les découvertes sur le plan humain.  Dans toutes crises, il y a les planqués, des gens qui restent comme ils sont et d’autres qui se révèlent. Et si tous les collaborateurs du groupe se sont mobilisés de façon incroyable, l’équipe de comm comprise, on a appris à mieux se connaitre même à distance. Personnellement, j’en sors confortée dans la passion pour mon métier et celle pour le secteur de la santé. Nous avons eu le sentiment d’être utiles à notre échelle Alors, oui je respire encore…
 
La comm par temps de covid, ca ressemble à quoi ?
 
La saison 1 du Covid a été un peu comme un ouragan qui arrive sans prévision météo. Nous avons tous appris en marchant, nous, les opérationnels, les soignants et  avons traversé plusieurs phases. Il y a eu tout d’abord un tsunami de demandes presse juste avant que le confinement ne commence lorsque les premiers patients covid arrivaient. En un mois, les sollicitations ont totalisé celles d’un semestre et l’équivalent publicitaire, celui de toute l’année 2019. Et puis notre audience sur les réseaux sociaux a doublé. Ensuite, nous avons davantage travaillé nos messages et tenu à mettre en valeur nos soignants et médecins tant dans les contenus que les médias. Enfin, nous avons anticipé l’accueil et le retour des patients non covid en établissements en reprenant le cours des sujets plus courants. En saison 2, nous n’avions plus la peur de l’inconnu et cela faisait une différence de taille. Et puis les équipes savaient mieux prendre en charge les patients Covid qu’au début.
 
Des nouveaux formats ?
 
On a un peu innové. On a initié une série de courts podcasts pour pallier l’impossibilité de tourner des images in situ et le projet d’une série de portraits de soignants pour l’année prochaine. On vient aussi de publier un livre « Des soignants très patients » chez Bayard, signé par des auteurs indépendants venus s’immerger dans nos établissements au sein des équipes médicales et soignantes. Le livre, écrit avant le confinement, devait paraître au printemps dernier. L’idée c’est de montrer la manière dont les équipes totalement engagées prennent en charge les patients en conjuguant excellence des soins et humanité. Dans le secteur privé, la relation personnalisée avec les équipes médicales et soignantes dans des établissements à taille humaine constituent un atout que beaucoup de gens méconnaissent.  
 
Quelles leçons tirez-vous de la crise du covid en termes de communication ?
 
Le Covid a donné un coup de projecteur sur la collaboration qui existe entre le service hospitalier public et l’hospitalisation privée et de ce fait, contribué à améliorer notre image d’acteur complémentaire et responsable au service de la santé. Tout le monde ne le sait pas, mais 55% des interventions chirurgicales en France ont lieu dans les hôpitaux privés. Ceux-ci ont indéniablement acquis un capital sympathie auprès du grand public. En juillet, la confiance envers les établissements de santé faisait fi des statuts : 88% des Français faisaient confiance aux hôpitaux privés et 85% aux hôpitaux publics. Sur un plan plus opérationnel, la crise nous a rapprochés des ressources humaines. Nous avons compris l’importance d’une communication interne plus soutenue partout dans le groupe et auprès de tous les collaborateurs même quand 90% d’entre eux ne sont pas connectés.
 
Comment analysez-vous l’épisode sur hydroxychloroquine ?
 
Dans toutes crises, il est normal d’espérer une solution. Les gens ont trouvé dans le personnage du Professeur Raoult un héros ou un gourou et c’est encore le cas à Marseille où il bénéficie d’un immense soutien. L’emballement médiatique absolu qu’on a connu, était-il lié au personnage, à la cause ? Je ne sais pas… Mais on a vu deux camps se cristalliser. Le camp de l’espoir et le camp de la suspicion se sont affrontés sans véritable preuve, car encore à ce jour il n’a été fait aucune démonstration de l’efficacité du médicament, même si cela est contesté par ses équipes.
                                                                                             
Comment fait-on pour faire entendre sa voix quand on est un acteur de la santé dans un contexte de multiplication des fakenews, des thèses complotistes et d’une défiance aggravée envers les paroles officielles ?
 
Les Français font toujours confiance à leur médecin et cette confiance demeure toujours aussi élevée. En octobre dernier, plus de 9 personnes sur 10 leur faisaient confiance selon une étude Odoxa. Alors c’est vrai, il était important d’essayer de garder la tête froide face à toutes ces informations contradictoires que nous recevions : plus facile à dire qu’à faire ! En ce qui nous concerne chez Elsan, nous portions des messages plus institutionnels que scientifiques et de ce fait, je pense que nous continuons d’être écoutés.
  
L’apparition des figures médicales sur les plateaux de télé, ça vous inspire quoi ?
 
On a vu des soi-disants experts arriver sur les plateaux télé. Tout d’un coup, tout le monde s’était autoproclamé médecin ! La multiplication des points de vue, c’est important pour le débat, mais trop d’info tue l’info. Alors à la fin, la diversité des chiffres, des infos a été une source de confusion et d’anxiété pour les citoyens. La transparence c’est bien, mais le tri des informations également.
 
Comment jugez-vous la fabrique de l’information aujourd’hui ?
 
Je comprends la nécessité pour les journalistes de remplir leurs pages et celle pour chacun d’entre nous, de vouloir trouver des réponses mais on en a trop fait. C’était très anxiogène. Dans les médias au début, il n’y avait que des infos covid, difficile alors de prendre de la hauteur. Malheureusement, je ne peux dire qu’elle aurait été la meilleure solution. Aujourd’hui, je trouve que le métier de journaliste n’est plus suffisamment valorisé ; il y a moins d’enquêtes, moins de vérification de l’information, les budgets des médias ont fondu comme neige au soleil et je m’inquiète en tant que citoyenne et professionnelle car il est important que nous ayons des médias et des journalistes solides.
 
Une fake news ca peut tuer ?
 
Une fake news, ca ne peut pas tuer, non, on peut même en tirer parti pour faire mieux ! Mais en revanche, les directions de la comm sont devenues des tours de contrôle en alerte 24/24 pour veiller à tout ce qui se dit partout, tout le temps avec des sources de plus en plus diversifiées. Et ce n’est pas prêt de s’arrêter ! Il va falloir réussir à se transformer pour s’adapter à cette situation nouvelle.
 
Certes vous n’êtes pas devin, mais l’année 2021, année du vaccin, vous la voyez comment ?
 
Je vois de la lumière et c’est déjà pas mal. Après une année difficile, les vaccins créent de l’espoir malgré une crise économique qui s’annonce importante et peut-être longue, une baisse des contaminations plus aussi importante et la possibilité d’une troisième vague… Tout le monde ne se fera pas vacciner et le virus pourrait donc continuer à circuler. Nous devons rester prudents !
 
A propos de ELSAN
 
Acteur de référence de l’offre de soins en France, ELSAN, 2eme opérateur de santé privé, est présent dans l’ensemble des métiers de l’hospitalisation et dans toutes les régions de l’Hexagone. 25 000 collaborateurs et 6 500 médecins exercent au sein des 120 établissements du groupe, qui soignent plus 2 millions de patients par an et génèrent 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2019. Le groupe d’hôpitaux privés a fêté ses 20 ans début 2020 et a annoncé le renforcement de son actionnariat. Ardian et KKR entrent au capital, aux côtés de CVC Capital Partners.