#CercleDircom #12 – Le Dircom face aux fakes news

Ce que l’on retient des échanges :

● Identifier la source et la visée de la fake news permet d’adapter sa réponse ;
● Établir et consolider des « ponts humains » avec les journalistes contribue à limiter le
relai des fake news ;
● Une bonne organisation en interne peut réduire la fréquence de confrontation à des
fake news.

Elle est protéiforme et ultra-répandue, c’est la terreur des entreprises, en particulier de celles
côtées en Bourse… la fake news fait aujourd’hui partie du quotidien des Dircom. « Il y a les
fake news malveillantes, comme celles qui visent à faire chuter le cours de la Bourse pour
voler de l’argent. Il y a les fake news qui relèvent de l’activisme. Et enfin il y a les fake news
de type rumeur, c’est-à-dire une information mal comprise et déformée. Ce qui est essentiel,
c’est d’identifier le genre de fake news auquel on a à faire, car celui-ci en conditionne la
gestion », souligne Loïck Tanguy, Chief Marketing Officer d’Epresspack, membre du Social
Media Club et partenaire de ce douzième #CercleDircom.


« Notre réponse est celle de la réinformation », Fabrice Imperiali (CNRS).

Selon les entreprises et les institutions, un type de fake news est parfois plus répandu qu’un
autre. C’est le cas chez Nexem, explique Marion Le Paul, Directrice de la Communication :
«En tant que syndicat d’employeurs pour le secteur social et médico-social, nous sommes
chargés de négocier avec les organisations syndicales de salariés. Fréquemment, celles-ci ont
un intérêt à influencer les négociations et donc à divulguer ce qui a pu se dire à la table de
négociation. Nous pouvons donc avoir à faire tous les quinze jours environ à des fake news
activistes.»

Le CNRS y est également confronté, expliquent Brigitte Perucca, Directrice de la
Communication et Fabrice Imperiali, Directeur adjoint de la Communication. Ce dernier
prend l’exemple de la recherche animale: « Aujourd’hui, la recherche ne peut se passer des
animaux de laboratoire. Nous devons gérer de véritables campagnes de fake news diffusées
jusque dans le métro, avec des images volées ou détournées. Notre réponse est celle de la
réinformation: quels animaux, quels protocoles, quelles limites? » Plus généralement, le
CNRS lutte contre la mésinformation grâce à ses propres médias, explique Brigitte Perucca:
«Nous avons un journal internet, une revue, etc. Nous y faisons du fact-checking pour
démentir les fake news qui se présentent comme scientifiques, sans avoir les moyens des
grands médias.» C’est aussi à ces fake news particulières qu’a fait face Elsan, un groupe d’hôpitaux privés dont Pénélope de Fouquières est Directrice de la Communication: « Pendant la crise sanitaire, les fake news se sont multipliées dans le secteur médical. On a notamment mis des infox faussement scientifiques dans la bouche des médecins de nos hôpitaux – sur la découverte d’une bactérie intestinale “mangeuse” du Covid-19, par exemple.»

«Il faut décrocher son téléphone et consolider les ponts-humains», Pierre Duprat
(Vinci).

L’identification de la fake news, ainsi que de sa source, permet d’adapter la réponse.
Stéphanie Abadie, Directrice adjointe de la Communication en charge de la presse du groupe
Casino, distingue ainsi les deux types de fake news utilisées contre le groupe: «Nous avons
des infox liées à l’activité financière (qui peuvent parfois être relayées par des agences de
presse) et les fake news liées à des anomalies de produits (on trouve surtout celles-ci sur les
réseaux sociaux). Pour y répondre, nous travaillons d’abord dans les deux cas à notre relation
intuitu personae avec les journalistes. C’est simple : si on nous connaît, on nous appelle pour
vérifier une information. Ensuite, pour lutter contre les fake news des réseaux sociaux, nous
avons mis en place une cellule de veille et une chaîne de décision rapide pour proposer une
réponse et un éclairage aux internautes dans les meilleurs délais.»

La rapidité de la réponse est effectivement essentielle, en convient Antoun Sfeir, président
d’ePressPack: «Il est nécessaire de disposer d’un hub complet avec des kits de langage
prêts. En amont, d’autres outils peuvent être envisagés. Chez ePressPack, nous avons mis en
place une box de communication qui permet à nos interlocuteurs de vérifier l’authenticité des
contenus qu’ils reçoivent. » Anticiper, voilà effectivement pour Marion Le Paul (Nexem) la
clé d’une bonne stratégie de communication face aux fake news. «Nous communiquons en
amont de la négociation avec les journalistes et les parlementaires, et en aval avec nos
adhérents qui, s’ils sont sollicités par la presse, peuvent alors répondre. L’important, c’est
d’avoir des circuits d’information rapides et agiles.»

Mais même en s’organisant en interne, le risque de la fake news demeure. «L’anticipation ne
permet pourtant pas toujours d’éviter le pire», relativise Pierre Duprat, Directeur de la
communication de Vinci, «seulement de permettre que cela arrive moins souvent.» En 2016,
son groupe en a fait la démonstration. Dans un faux communiqué de presse, des escrocs
annonçaient au nom de Vinci de graves erreurs dans les comptes du groupe et le licenciement
de son Directeur financier. « La fausse information a été relayée très (trop) rapidement par les
agences de presse, et la côte en Bourse a dégringolé. Pourtant, nous avions déjà pensé notre
communication pour éviter ce genre d’incidents: les communiqués financiers sont
systématiquement envoyés en dehors des horaires de bourse et sur une plateforme sécurisée.
Cela n’a pas été le cas pour le faux communiqué, mais sans suffire à éveiller l’attention des
journalistes.» Pour Pierre Duprat, il est nécessaire de tirer un enseignement de cet épisode :
«Il faut décrocher son téléphone et consolider les ponts humains entre les communicants et les
journalistes. On peut avoir tous les systèmes de protection contre les cyberattaques que l’on
veut, la seule chose qui soit inviolable, c’est l’intelligence humaine. ». D’où cette question de
Pierre Duprat : «Quand une agence de presse relaie une information quelques minutes avant la
réception d’un communiqué de presse, a-t-elle vraiment fait le travail de vérification?»

«A l’ère de la post-vérité, l’émotion domine sur le fait objectif», Nathalie Desaix (20
Minutes).

En effet, le travail de vérification ou fact-checking est une composante essentielle du travail
journalistique. Pour Antoun Sfeir (ePressPack), «si les fake news existent depuis longtemps,

le fact-checking ne fait qu’émerger. » Nathalie Desaix, directrice de la Communication et de
la marque de 20Minutes, en convient: «à l’ère de post-vérité et notamment sur les réseaux
sociaux, l’émotion prédomine sur le fait objectif. Chez 20Minutes, nous avons consacré trois
journalistes au fact-checking sur les réseaux sociaux. Avant, il fallait deux sources
concordantes à un journaliste pour écrire un article. Aujourd’hui, on en exige trois.».
Comment faire, alors, pour dépister et anticiper les fake news? «Concrètement, répond
Nathalie Desaix, nous utilisons des logiciels qui permettent de voir quels mots montent dans
les moteurs de recherche et nous organisons une veille sur ces thématiques-là. Nous nous
appuyons également sur des outils (comme Conspiracy Watch ou News Guard) qui vont nous
permettre d’identifier rapidement les fake news émergentes. ».

Mais les médias ne sont pas toujours les relais d’une information vérifiée. Stéphanie
Abadie (Groupe Casino) déplore ainsi la tendance de certaines rédactions internet à écrire des
articles sur la base d’un buzz issu des réseaux sociaux, sans toujours prendre le temps du fact-
checking. De même, Brigitte Perucca (CNRS) évoque les fausses controverses relayées
parfois par la presse: «Il y a, à côté d’excellents rubricards et journalistes scientifiques, des
journalistes qui diffusent des fake news pseudo-scientifiques. Notre réponse doit être celle du
maintien d’une veille et du media training. Par exemple, nous avons constitué une liste
d’experts pour la presse.» En somme, construire et consolider un échange contrôlé entre les
scientifiques du CNRS et les journalistes. C’est peut-être tout l’intérêt de la gestion des fake
news, conclut Pierre Duprat (Vinci): « remettre l’humain au cœur de notre métier.». Nathalie
Desaix (20Minutes) évoquera également le fait qu’il est important quand on communique en
période de crise déêtre là où sont les gens et donc ne pas penser que seuls les grands médias ou
les sources officielles et institutionnelles suffisent. Il faut toujours séassurer que via le fact-
checking ou les rectifications qui sont émises, on arrive à toucher les personnes qui avaient
été exposées aux fake news initiales. Sinon, le travail de vérification/désintox n'atteint pas
vraiment son objectif