SERIE #DIRCOMMCONFINES ​#INTERVIEW5

EPRESSPACK LANCE LA SÉRIE #DIRCOMMCONFINES  

Quelles sont les urgences des directeurs de la communication ? quelles seront leurs priorités et leurs actions de ces prochaines semaines ? à quoi ressemble une journée de dircomm confiné ?... Parce que la crise sanitaire mobilise la fonction communication dans des conditions d’exercice compliquées, Epresspack est allée sonder les professionnels de la communication et du marketing confinés qu’elle accompagne quotidiennement. 

« C’est toujours difficile de répondre à une émotion par une explication rationnelle ».

 
Laurent Bitouzet, Chef du Service d'Information et de Relations Publiques des Armées-Gendarmerie
 
A la tête du Service d'Information et de Relations Publiques des Armées-Gendarmerie (SIRPA), Laurent Bitouzet anime une équipe de 60 collaborateurs, qui initie et met en œuvre les stratégies et actions de communication opérationnelle et corporate de la Gendarmerie. Le SIRPA coordonne également les 50 officiers communication répartis sur tout le territoire et conseille le Directeur Général. Ayant passé toute sa carrière au service de la Gendarmerie Nationale, Laurent Bitouzet fut notamment Conseiller auprès du préfet de police des Bouches du Rhône et Commandant de la Gendarmerie du Var. Il occupa également la fonction de Commandant militaire de l’hôtel Matignon auprès du Premier Ministre, entre 2001 et 2004. 
 

1/ Après les attentats, les gilets jaunes, les grèves et maintenant une pandémie. La gendarmerie nationale est mise à rude épreuve depuis 2015. Vous allez bien ? 

 
Je vais très bien, merci ! C’est vrai que les crises s’enchaînent depuis quelques années, avec quand même une nuance de taille. Avant, elles étaient circonscrites territorialement et limitées dans le temps comme ce fut le cas pour l’ouragan IRMA à Saint Martin ou Notre-Dame-des-Landes. Depuis les gilets jaunes, c’est partout en France et sur un temps long. 8 mois non-stop pour ces contestations sociales, 2 mois plein pour les grèves et maintenant le Covid-19 depuis 7 semaines… et ce n’est pas fini. Les crises se succèdent mais en plus, elles sont toutes différentes et nécessitent de se remettre chaque fois en question. Le temps calme semble appartenir à un passé révolu et je dois imposer un rythme de repos à mes équipes. 
 

2/ Respect du confinement entre pédagogie et contrôles, arnaques en tous genres, violences conjugales, veille sur les commerces fermés… Ce service public a une large responsabilité. Quel est le rôle de la communication depuis 7 semaines ?

 
Pour une entreprise comme la gendarmerie qui ne s’arrête jamais, le Covid-19 est un moment de communication très soutenu et il le restera pendant le déconfinement et au-delà, car nous devons restés disponibles pour protéger la population. Tout notre enjeu de communication, c’est d’expliquer la continuité de service public, montrer que la Gendarmerie veille au respect du confinement mais qu’elle accueille toujours les citoyens et qu’elle mène des actions de proximité auprès des populations les plus vulnérables. Montrer la continuité du service public, c’est expliquer avec pédagogie comment cela se passe sur le terrain. C’est la raison pour laquelle le nombre de reportages a explosé ces dernières semaines pour atteindre jusqu’à 400 sujets dans les médias, que ce soit en radio, en télé ou dans la presse écrite au niveau national. Ceci, sans compter les reportages diffusés au niveau local dans tous les départements. Et puis il y a toutes nos initiatives pour les réseaux sociaux et le web, qui ont pris une place prépondérante. Nous venons par exemple de lancer l’opération nationale #repondrepresent qui valorise les initiatives sociales que nous menons, comme d’apporter des repas aux seniors isolés, renforcer nos interventions dans les différends familiaux ou la protection des entreprises des cyber-attaques. Nous avons aussi organisé des Facebook Live dans des départements, en lien avec des médecins ou des associations, pour que les gens puissent parler de leurs difficultés et poser des questions de proximité. 
 

3/ Quid de la communication interne, est-elle plus stratégique lors de cette crise que les précédentes ? 

 
Comme pour les entreprises, la communication interne de notre institution été un axe majeur car nous devions préserver la cohésion des équipes. Nous avons été aidés en cela par le haut niveau d’équipement en smartphone de la gendarmerie. Ils avaient ainsi accès à l’intranet, avec l’ensemble des directives opérationnelles et sanitaires pour les aider sur le terrain. Nous avons aussi lancé une chaîne YouTube animée par la communauté des gendarmes pour briser l’isolement et créer du lien entre les brigades. On trouve ainsi sur GendLife TV des contenus ludiques, des cours de cuisine, de sport, des témoignages de service...autant de vidéos postées par les gendarmes eux-mêmes. 
 

4/ Les Français ne voient pas toujours la cohérence ni la logique des décisions du gouvernement, dans lequel ils n’ont pas confiance. Les règles et les sanctions ont changé de nombreuses fois et les perspectives sont toujours aussi confuses. Ça ne doit pas faciliter votre stratégie de communication ? 

 
C’est la nature même de cette crise. Le virus qui évolue, implique des mesures qui évoluent. Le plus compliqué pour nous c’est l’application des règles du confinement sur le terrain. Il faut juste être rigoureux et au rendez-vous chaque fois que les modalités de contrôle évoluent. Non, ce qui nous complique la tâche, ce sont surtout les cas de contrôle qui paraissent injustifiés et qui font le buzz. Il y en a eu très peu en réalité, 5 ou 6 seulement sur les 8 millions de contrôles effectués, mais ce sont eux qui génèrent de l’émotion. Or c’est toujours difficile de répondre à une émotion par une explication rationnelle. C’est un grand classique des manuels de communication mais un exercice encore plus compliqué en ce moment. 
 

5/ Les médias ont- ils été plutôt des alliés ou au contraire se sont-ils montrés plus critiques que d’habitude ? 

 
Contrairement à l’épisode des gilets jaunes où les réseaux sociaux ont été particulièrement actifs, cette crise redonne un pouvoir totalement inattendu aux médias traditionnels et à la PQR locale et ils se montrent globalement très réceptifs. Ils voient que nous développons de la positivité avec nos dispositifs d'aide et de maintien de la cohésion sociale. Et puis nous leur montrons aussi l’usage que nous faisons de l’argent public. On pourrait citer par exemple la brigade numérique, l’aide à la collecte du don de sang ou l’installation de notre laboratoire d'analyse ADN à l'hôpital de Garches pour conduire des tests de dépistage du COVID-19. 
 

6/ La Gendarmerie nationale, à la tête d’une audience numérique totale de près de 4 millions de personnes, est un animal digital. Avez-vous constaté une hausse de la fréquentation de vos réseaux ? Comptez-vous en investir d’autres comme Snapchat ou TikTok ?

 
Garder le contact avec la population, c’est être aussi présent dans l’espace numérique. Toutes les crises agissent sur la fréquentation des canaux d’information, mais ce qui m’intéresse surtout, c’est la qualité des engagements, qui ont été multipliés par 4 ou 5 et l’intérêt de produire les bons sujets. C’est vrai qu’avec nos 4 millions de fans et followers cumulés, on pourrait considérer la Gendarmerie nationale comme une marque média et le SIRPA, comme une agence de communication à part entière. On a investi Facebook dès 2012 et depuis, on s’est toujours inscrit dans une démarche d’innovation en mode start up. On essaie et on voit comment ça marche. On a fait pareil pour twitter, Instagram… toujours pour montrer ce qu’est la gendarmerie. Snapchat, on a réfléchi, on a essayé mais on n’a pas vu l’utilité pour notre institution qui est quand même centrée sur l’information. Le digital a ceci d’intéressant qu’il résout souvent à la fois les problématiques convergentes de communication interne et externe, même si c’est très consommateur en temps, en effectifs et en création de contenus.  
 

7/ Les contenus, parlons-en, quelle importance ont-ils pour vous ? 

 
La pédagogie est un pare-feu contre les fake news et les contenus sont clairement le nerf de la guerre, d’autant que nous n’investissons dans aucune campagne de publicité. La crise nous a d’ailleurs obligés à créer de nouveaux formats, comme «  Scènes de vie » pour notre magazine GendInfo.fr . On y voit des gendarmes se filmer avec leur téléphone pour expliquer leur action sur le terrain et on incite les journalistes à aller voir notre média pour porter les sujets. En temps normal, on pousse même des contenus avec les maisons de production qui signent des docu pour les chaînes TV et TNT et même des fictions, comme le prochain film de Xavier Beauvois avec lequel nous collaborons.  
 

8/ La journée d’un #DIRCOMMCONFINE pour la GN doit ressembler à un jour sans fin. Peut-être même n’êtes-vous pas confiné… pouvez-vous nous raconter la journée type de ce marathon ? 

 
Je ne suis effectivement pas confiné et je vais tous les jours au bureau car pour piloter les opérations, la distance est impossible. Ma journée c’est du 7H30-21H non-stop. Ca ressemble à une suite de visioconf, d’audioconf, de telegram, de Tchap et de whatsapp avec les autorités, les échelons de terrain et l’équipe. Le télétravail nous prend beaucoup d’énergie, il génère du stress, parfois des incompréhensions. Beaucoup ont d’ailleurs envie de revenir au bureau et on doit calmer les ardeurs ! Mais le plus compliqué, c’est de gérer toutes les boucles d’information. Ça va très vite et il faut tout coordonner, de la bonne remontée de l’information au bon traitement. Et ça ne s’arrête jamais, Week-end compris. 
 

9/ Quels sont les enseignements que vous tirez de cette crise hors-norme ?

 
Dans une crise de cette ampleur, un service public comme le nôtre a tout intérêt à être un fournisseur d’informations et un média multi-support. Il doit aussi savoir rester rationnel et serein devant la multitude des informations subies ou choisies tous les jours. Mais ce qui me frappe surtout c’est que l’intelligence commune reste dominante. Les réactions négatives que reçoivent parfois nos contenus, doivent être comparés aux milliers de likes, de retweets et aux retombées médias. Et ca, il ne faut pas l’oublier. Et puis j’ai quelques interrogations. Il y a des informations comme celles que nous produisons, qui ne passeront jamais les barrières de cercles très fermés, qui vivent en autarcie avec des informations choisies. Je trouve que cette fragmentation s’est aggravée. J’ai parfaitement conscience que cette consommation média va de pair avec les usages numériques, mais comment aller vers ces groupes et déployer des moyens spécifiques pour les toucher ? That is the question. 

A propos de La Gendarmerie Nationale 

Force humaine de près de 130 000 femmes et hommes en activité et de réserve placée sous l’autorité du ministère de l’Intérieur, la Gendarmerie nationale est une institution militaire garante de la sécurité et de la paix de nos concitoyens et de la protection de leurs biens. Elle assure des missions de police judiciaire, d'assistance à personnes, de maintien de l’ordre et participe à la défense de la Nation, y compris sur les théâtres d'opérations extérieures. Consacrant une partie de leur vie à ces missions nobles, en tout temps et en tout lieu, en métropole ou en outre-mer comme à l’étranger, les gendarmes répondent présents face aux drames de la vie. 

Audience numérique de la Gendarmerie nationale (avril 2020) : 
 
- 18 000 abonnés YouTube
- 470 000 twitter  
- 14 500 twitter de la porte parole 
- 38 000 LinkedIN
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- + 150 comptes FB (1 par département)
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