La série #DIRCOMM(DE)CONFINES se poursuit. Parce que la crise sanitaire mobilise la fonction communication dans un contexte incertain, Epresspack sonde les professionnels de la communication et du marketing qu’elle accompagne quotidiennement en France et en Europe. Cette semaine, Domitille Fafin, directrice de la communication externe du groupe L’Oréal
Je trouve en effet que la crise a donné un rôle plus important aux entreprises. Ce sont les groupes qui se sont exprimés pour aider les premières lignes, bien davantage que les marques. On a tous ressenti cette forte attente de la part des citoyens envers les entreprises et leurs dirigeants quant à la façon dont ils allaient contribuer à l’effort collectif. Aujourd’hui, même si on n’est plus dans le cœur de la crise, la période complexe et incertaine fait que c’est encore le cas. Chez L’Oréal, nous avons pris par exemple l’engagement de maintenir le recrutement des stagiaires et des apprentis au même niveau ; une décision que l’on a pris au niveau du groupe, à l’échelon « corporate » et qui essaime dans toute l’organisation.
Je pense que les deux coexisteront toujours. Pour un groupe comme le nôtre, Il y aura toujours la marque corporate et les marques commerciales. Mais il est vrai qu’on assiste à une vraie porosité entre elles et c’est tant mieux ! Car pour être fort et impactant, le discours corporate doit se nourrir de preuves et ce sont les marques qui les mettent en œuvre. A l’inverse, les marques tendent de plus en plus à développer un vrai discours corporate avec, en miroir, une vraie envie de montrer leurs engagements.
Aujourd’hui tout le monde dans l’entreprise doit, à mon sens, se sentir responsable de la réputation du groupe et a un rôle à jouer pour y contribuer positivement. Cela fait 15 ans que je travaille, les matrices évoluent avec le temps et je doute qu’il existe une matrice idéale. L’important, c’est que les choix stratégiques soient diffusés dans toute l’organisation et que tout le monde soit embarqué dans le projet d’entreprise.
Je ne suis pas en poste depuis 110 ans… mais ce qui est sûr, c’est que les consommateurs d’aujourd’hui attendent de la part des entreprises des valeurs autant que des produits, du sens autant que de services. Et la crise n’a fait qu’accélérer le phénomène. Chez nous, c’est bien ce socle de valeurs qui unit l’ensemble de nos 36 marques internationales. Jean-Paul Agon dit souvent que la performance non-économique va de pair avec la performance économique, qui se nourrissent dans un cercle vertueux. Partant de cette vision, L’Oréal s’est par exemple engagé fortement et très tôt en faveur du développement durable avec un programme à horizon 2030, qui concerne notamment l’eau, les émissions carbone et la déforestation. On est d’ailleurs la seule entreprise au monde qui a obtenu en la matière quatre ans de suite un triple AAA au classement international de référence, le CDP. Parmi les autres sujets qui nous tiennent à cœur et sur lesquels nous agissons, il y a la diversité, l’inclusion et notamment l’égalité hommes-femmes qui est un sujet très prégnant chez nous, tout comme les questions d’éthique.
Nous nous sommes effectivement lancés dans un grand plan de solidarité pour soutenir notre écosystème, en modifiant par exemple nos chaînes de production pour produire du gel hydro-alcoolique pour les personnels hospitaliers et la grande distribution, mais aussi en accompagnant financièrement nos clients et partenaires les plus fragiles. En termes d’engagement, ça a eu un impact incroyable ! D’abord, cela a créé un immense sentiment de fierté chez nos collaborateurs, qui constituent selon moi - même sans être en charge de la communication interne - la 1ère audience de l’entreprise et la plus exigeante. Les bénéfices ont été également tangibles dans les entretiens d’embauche. Les candidats en parlaient spontanément ayant manifestement perçu et apprécié cette facette du groupe qu’ils ignoraient. De la même manière, j’entends de toute part que cela a incroyablement renforcé les liens avec nos clients et nos partenaires – les coiffeurs par exemple - et créé une fidélité très profonde. Quand j’entends les collaborateurs, les RH et les entités business nous faire de tels retours, je n’ai pas besoin de post-tests pour être convaincue que les bénéfices sur la marque groupe ont été grands.
On s’est plutôt adapté aux circonstances exceptionnelles. L’impact et l’audience des réseaux sociaux nous ont incités à utiliser davantage les vitrines corporate du groupe pour parler à un public plus diversifié qu’avant. Mais la crise a également confirmé l’importance de la presse traditionnelle de qualité avec ses informations fiables et vérifiées.
Je viens du monde du pétrole où la comm de crise est fréquente et parfois plus sensible encore. Ce que je sais, c’est qu’il n’y a jamais de réponse préfabriquée. D’abord parce que les circonstances sont chaque fois différentes et aussi parce que la société évolue sans cesse. De fait, la réponse d’il y a 5 ans n’est plus la bonne. La seule chose qui ne change pas, c’est la nécessité d’anticiper et de se former. Faire des simulations, s’entrainer… ça fait gagner un temps précieux pour faire face à des crises qui arrivent par définition toujours le soir, les week-ends ou pendant les vacances !
Traditionnellement, le groupe est connu pour ses performances, son excellence en tant qu’école de formation Marketing ou sa grande stabilité. J’ai découvert pour ma part des convictions fortes, par exemple sur le DD, l’égalité hommes-femme ou encore le bien-être de ses collaborateurs. Le congé paternité a d’ailleurs été chez nous allongé bien avant la loi ! Quand on soulève le capot, le groupe recèle d’actions incroyables. Mon objectif, c’est que L’Oréal soit autant reconnu pour ses soft skills que pour ses hard skills.
Pour moi c’est une évidence et j’ai plutôt tendance à me méfier des gens qui se méfient de l’innovation. L’innovation peut être technologique mais aussi sociétale, environnementale … Elle est multi-facettes. Je parlais récemment à des chercheurs à qui on a demandé de développer un produit sur la base de 3 ingrédients seulement. Ils étaient ravis car cette nouvelle contrainte leur permettait, selon eux, d’innover dans un sens intéressant. L’innovation est un impératif et c’est la responsabilité de l’entreprise de faire en sorte qu’elle nous fasse progresser. C’est pour cela que chaque nouveau produit doit avoir chez nous un bilan environnemental et social meilleur que le précédent.